Bonjour !
En remerciement à ceux et celles qui passent du temps à animer et à répondre aux questions diverses sur ce forum, je vais tâcher de vous parler au mieux de mon expérience de prof doc en collège, pour ceux qui seraient intéressés...
Après une maitrise en ethnologie (ne sert à rien mais super intéressant), j'ai passé le capes doc, en..1992. C'était coton déjà à l'époque, beaucoup d'appelés, peu d'élus, mais on avait l'avantage d'avoir des cours à l'IUFM et un plein salaire pour un mi-temps, donc le temps de se préparer.
Bon, moi, j'ai passé cette première année dans un LP usinerie et je sais plus trop quoi, mon tuteur n'avait pas été averti que je venais et dissimulait des tonnes (ok, j'exagère un peu) de boites de lexomil dans un tiroir du bureau. C'était un prof de français, dépressif, comme beaucoup de docs en fait, avant le CAPES. Et encore aujourd'hui. ON semble croire que c'est facile et que ça n'a rien à voir avec le métier de prof : grossière erreur. Un "mauvais" prof, ou un mauvais pédagogue ne sera jamais un bon doc.
J'ai appris sur le tas surtout la première année, avec mes collègues. Après le CAPES, on est mutés soit dans "le nord", soit dans la banlieue parisienne et, dans ma promo, on a tout fait pour éviter ça... Donc, je me retrouve à St Quentin (Aisne), avec ses champs de patates, ses raffineries de sucre qui puent et ses cimetières. Et ce froid !
Bon, j'étais mutée sur deux collèges : dans l'un, j'ai tout appris grâce à ma collègue (comment gérer les gamins, me servir du logiciel de gestion documentaire et, surtout, j'avais une salle informatique et tout le jeudi après midi pour animer un club journal). C'est vite devenu "mon truc" : dégoter chez les enfants leurs centres d'intérêt et les faire se raconter (qu'ils écrivent bien ou pas, là, on s'en fout, du français, c'est le contenu qui compte). Ca a marché du tonnerre, à tel point que j'ai du faire des journaux scolaires pendant 10 ans. Un excellent moyen d'approcher tous les élèves, des plus "scolaires", aux plus réticents (des passionnés de mangas, de tags, de jeux info, de tuning, tout.) Ca donne aussi aux élèves une certaine image du CDI, qui devient un lieu où l'on discute, où on s'écoute et où la doc n'est pas une coincée du c., enfin, vous voyez. Important, l'ambiance de votre CDI.
Deuxième collège en ZEP : l'enfer. Je n'avais aucune notion d'autorité et je ne savais pas me faire respecter par les élèves les plus agressifs. J'ai passé de très sales moments. Ce qui m'a permis de tenir, c'est l'aide de certains de mes collègues : je les regardais faire quand ils venaient au CDI, et je leur demandais des conseils. Ce n'était pas facile de reconnaitre mes faiblesses devant eux,
mais qu'est ce que ça m'a aidée !
L'année suivante : je suis mutée dans ma région d'origine. Petit collège rural. J'ai compris que je devais jouer la fille super autoritaire au début quitte à lâcher du lest ensuite. Ca fonctionne. Et je commence à m'éclater vraiment : initiation au CDI, clubs de BD et club fossiles (Voui, Mesdames ! On s'adapte, y'en avait plein là où j'étais...), participation aux projets avec des collègues, surtout en français, histoire et SVT (mes matières favorites, c'est toujours comme ça que ça fonctionne entre les docs et les profs, sans compter les affinités personnelles... Ca compte beaucoup aussi).
J'étais titulaire académique à l'époque, ça veut dire qu'au bout de 5 ans d'ancienneté, environ, on peut devenir titulaire de son poste. Ce qui m'est donc arrivé, chance, dans un autre petit collège rural. Eclate totale grâce notamment à une amie prof de français, qui demandait aux élèves de se dépasser et qui parvenait à ça : une magicienne ou une vrai pédagogue, quoi. Ateliers d'écriture (le printemps des poètes et Lire en fête nous servaient de prétexte pour mettre les autres profs dans le coup et donner un air de fête au collège), ateliers philo, etc.
Je demande alors ma mutation dans un collège plus important, en ZEP : pas très bonne idée. les profs en SEGPA squattaient le CDI sans cesse, beaucoup de profs venaient bosser au CDI, et, l'ennui, c'est que, pour certains, c'était une manière d'éviter les problèmes en classe. On était deux à encadrer, quoi.
J'ai refait toute la cotation des documentaires en Deway et beaucoup de désherbage, comme partout là où je suis passée, d'ailleurs. C'est étonnant le nombre de livres qui ne servent qu'à meubler les étagères. C'est étonnant aussi comment on a pu être rassembler autant de bouquins qui n'intéressent pas les gamins.
J'ai appris à découvrir les documentaires et la littérature pour la jeunesse, comme on dit, car je voulais attirer" le chaland" (mes élèves). C'était pas dur car il existe des livres fantastiques et hanter les librairies est ma seconde nature.
Mais ce collège, tout ce boulot, plus l'acquisition de tous les documentaires, j'étais vannée, lessivée. Le soir, bonne à jeter. Trop de projets en cours avec tout le monde, trop de clubs (dont journal, encore) et d'actions diverses (échanges entre cinquièmes et élèves de maternelle, par exemple, pour lire, en duos, des livres pour petits. Pour plusieurs raisons, c'est une recette d'enfer : les cinquièmes se sentent valorisés, même les moins bons lecteurs, pas jugés par les petits, ils apprennent en peu à "conter", et les petits sont ravis que des grands s’occupent d'eux et leur lisent des histoires (mettez-vous à leur place...).
Je redemande ma mutation pour un petit collège. La cata : y'a pas de budget pour les livres, que des vieilleries et pas d'abonnements. Cerise sur le gâteau, on vient de refaire le sol du CDI, tout est vide. Personne n'a le temps de m'aider. je transporte tous les bouquins d'un bout à l'autre de l'étage, j'en peux plus, sciatique, opération hernie discale, bon. La version du logiciel documentaire date d'Hérode, et quasiment rien n'est enregistré. Je demande la nouvelle version de BCDI, je réclame des abonnements, je me prends la tête avec l'intendante (qui dépense des fortunes pour se payer sur le collège les deux quotidiens de la région, mais bon, hein).
J'achète des BD sur mes sous : je vois que pas mal d'élèves aiment dessiner, des tagueurs, et des dessinateurs de mangas avec un talent certain (juste les derniers, on peut pas tout avoir). Le prof d'arts pla est sympa, on organise un club dessin, mais rideau, je vais me faire opérer.
Je reviens dans mon petit collège des débuts et y'a plein de trucs qui dysfonctionnent : depuis que le CDI fait partie du réseau info de l'établissement, je n'arrive plus à faire fonctionner mon excellente collection de cd (vous connaissez Carmen San Diego ??? Non, c pas une blague !), Internet est en rade un jour sur trois, le logiciel d'aide à l’orientation (Parade, un très bon outil) ne fonctionne plus avec la version Windows installée et je commence à réaliser que je suis dépassée au niveau informatique. Les profs qui gèrent le réseau sont payées une heure par semaine chacune ; inutile de vous dire qu'elles y passent des heures en réalité, et, qu'en plus, tout le monde est mécontent car ça ne marche pas, la salle informatique est inutilisable (exceptée pour la prof de techno).
Pour les expos, l'intendante tient les cordons de la bourse serrés, j'achète moi-même certains panneaux et des marqueurs, et du matos. Je commence à en avoir marre de mon incapacité à gérer ce foutu réseau informatique (les élèves me réclament les logiciels de jeux, ludo-éducatifs, ou Internet, et ils n'ont pas le droit d'y aller, sauf pour un exposé donné en classe). Je vous explique pas les trésors d'imaginations déployés pour contourner l'obstacle... Et, en même temps, je les comprends, les élèves, Internet, c'est riche, c'est varié, où commence le purement distractif, ou commence l'info qui peut être utile, comment être derrière chaque élève pour l'aider à vérifier si le contenu du site est fiable ou pas ?????????? Pas de formations sur ça. De discours de plus en plus précis et des directives idem pour définir une politique documentaire des collèges, en lien avec le projet d'établissement. Sur le papier, c’est bien, en réalité, c'est surtout du bla-bla ; on n'a pas les moyens de faire ce qu'on devrait.
Pour la préparation des élèves au B2i, dans certains collèges, on le donne alors que ça doit faire l'objet d'une validation de chaque compétence par les profs. Beaucoup de profs rechignent, pas trop sûrs de leurs capacités eux-mêmes, résultat, les profs de techno, de maths et les docs valident tout, et, forcément, on va vite, on n'a pas le temps de contrôler ce que chaque élève sait faire.
Et puis, l'usure....... Je savais pas qu'être doc, et prof, c'est pire encore, ben, c'est toujours être un peu le gendarme. Celui qui pose les limites, qui les rappelle, qui les rabâche. Et ça, pour le coup, c'est un côté du métier que j'ai toujours trouvé lourd. j'aime rigoler (trop ?), discuter (trop ?), et j'ai bien du mal à poser des limites aux élèves, surtout quand ça passe bien. Trop d'affect aussi? Les récrés, les soirs, dans mon CDI, j'ai (en plus des autres !!) 4 à 5 élèves qui ne viennent que pour parler ; de leurs difficultés à l'école, chez eux, etc. C'est plus fort que moi, je les écoute mais je me sens démunie : je ne suis ni psy ni assistante sociale. J'essaie de les orienter vers les bonnes personnes... Mais ce côté là me colle à la peau.
Aussi, braves gens, j'essaie pitoyablement de devenir autre chose, bibliothécaire territoriale me plairait bien, dans une petite structure, pour le lien avec public de tous âges et participation à la vie de la commune. Et c'est dur, parce que changer de métier à 43 ans, tout le monde vous le déconseille, en premier lieu les "conseillers mobilité carrières" du rectorat de Toulouse.
J'ai fait un bilan de compétence au CIBC du Tarn, de mon côté, et une assistante sociale m'a aidée à rencontrer une super directrice de BU, qui m'a permis de découvrir que ce métier-là -aussi !- est super intéressant. Le contact avec les étudiants me plait bien, la BU a un fonds d'une richesse incroyable (j'ai envie de dévaliser les rayons arts, anthropologie et littérature, et encore, j'ai pas tout vu).
Si je conclue par une sorte de bilan, je dirais que c'est dommage de ne pas considérer le changement de profession, même au sein su service public, comme un facteur d'épanouissement et de renouvellement pour les gens.
Voila, voila................
Si quiconque parmi vous veut des renseignements très précis sur le métier de prof doc, je suis à votre disposition pour vous renseigner du mieux que je le peux.
BONNE CHANCE A TOUS !